Mon premier séjour en Algérie

 

Lors du conseil de révision, m’étant porté volontaire pour l’Afrique du Nord, j’ai été affecté au deuxième zouave à Nemours (Algérie). C’était proche de la frontière du Maroc espagnol où je suis arrivé en 1938.

Nemours était un joli petit port de pêche et je suis tombé immédiatement sous le charme de la région. Mais, autant nous étions enthousiasmés par le site, autant nous étions déçus par l’accueil que nous ont réservé les pieds-noirs, français de souche.

Nos rapports, aussi bien avec les civils qu’avec les militaires accomplissant comme nous leur service, étaient toujours très tendus. Cette hostilité qu’ils entretenaient à l’égard des "patos " nous donnait le sentiment de vivre non dans un département français mais dans un pays étranger. Nous étions ceux qui, venant d’ailleurs, perturbaient par leur seule présence le train-train quotidien et portaient un regard inquisiteur sur les rapports dominateurs qu’ils entretenaient à l’encontre des indigènes. Les plus avisés, prévoyant une guerre proche, se trouvaient des racines en Espagne ou en Italie, cette généalogie toute neuve étant sensée leur éviter toute participation à un conflit où tout Français serait nécessairement mêlé. Il est amusant de noter que trente ans plus tard, les mêmes et leurs enfants, revendiqueraient à grand bruit (celui des explosions des grenades dans les cafés d’Alger), leur appartenance indéfectible à la France et à la nationalité française !

Ces rapports inamicaux étaient la cause de bagarres fréquentes et sérieuses entre pieds-noirs et Patos. Le Commandant du camp avait sa méthode pour calmer son petit monde : nous parcourions journellement nos trente kilomètres (à pieds bien entendus !); Les circuits dans les djebels, de Nemours à Marnia, Arzew, Oujda, et le camp de Bedeau n’avaient plus aucun secret pour nous. Ah ! si la marche, les godillots et les bandes molletières avaient été efficaces contre les chars, nous aurions gagné haut la main la seconde guerre mondiale. Hélas, seuls nos supérieurs pouvaient le penser.

La déclaration de guerre nous surprit dans cette ambiance si pesante que nous l’avons accueillie sinon avec joie, du moins avec soulagement ; nous allions enfin pouvoir en découdre avec Hitler et sa clique qui venaient d’envahir la Pologne.

La guerre d’Espagne venait de s’achever, les Républicains étaient vaincus, Hitler et Mussolini, après leur répétition grandeur nature avaient les mains libres, le spectacle pouvait commencer.

J’ai été immédiatement volontaire pour monter au front. Cette manifestation de libre arbitre fût interprétée comme de l’indiscipline et faillit me valoir huit jours de prison. Très paternellement, le Capitaine m’a fait comprendre que nous ne tarderions pas à nous y rendre ensemble. Et on effet, quelques jours plus tard, le Bataillon recevait l’ordre de faire mouvement vers Oran.

Auparavant, Thiébault, Cauca, Lescure et moi-même, décidons, malgré l’interdiction de quitter la caserne, de régler nos comptes avec quelques tenanciers qui n’avaient pas été très réguliers avec nous. Le passage du poste de garde est relativement aisé ; il nous suffit d’envoyer valser la sentinelle et le chef de Poste. Arrivés en ville, impécunieux plus que jamais, nous faisons le tour de toutes les officines qui nous avaient copieusement grugés pendant tout notre séjour et au moment fatidique, nous recommandons au tabellion d’envoyer la facture à Daladier qui se ferait un plaisir de la lui régler. Hélas, tout a une fin, et le téléphone du Bataillon commençait à rougir ; c’est encadré de deux sentinelles que chacun d’entre-nous a pu rejoindre la Caserne où l’ensemble du Bataillon aligné et sac au dos, n’attendait plus que nous pour le départ Nous avons pris à l’occasion les huit jours réglementaires que la suite des événements ne nous a pas permis de faire.

A Oran, le Bataillon a été renforcé par des oranais et est passé de trois cents à onze cents hommes ce qui n’a plus fait que dix métropolitains par section ! Equipé et armé, l’ensemble du régiment embarqua avec la division le 25 septembre 1939. L’ensemble de l’armada faisait trente cinq navires et j’étais personnellement sur le "Champollion ". Nous étions tous très heureux de "monter " en France et ce n’est qu’à la hauteur du Stromboli que nous avons appris que nous n’irions pas en France mais au Liban. Pour quoi faire ? Certains en ont été déçus et d’autres satisfaits.

Après huit jours de traversée, nous débarquions à Beyrouth. Quelle ville magnifique, quelles splendeurs ; les orangers, les citronniers, les bananiers et les palmiers y mêlent leurs parfums à ceux des fleurs les plus délicates. Ces senteurs de l’Orient sont un délice et nous croyions rêver. Les Libanais, affables et francophiles nous accueillaient à bras ouverts

Mais nous n’étions pas là pour faire du tourisme et nous devions rejoindre le campT2 situé à cinq kilomètres du port dans le sud de la ville. Endurcis par nos marches de trente kilomètres, ce fut, pour nous de l’active, une simple formalité. il n’en fut pas de même pour ces messieurs les réservistes, qui trouvant sacs et fusils trop lourds s’arrêtèrent au bord de la route et rejoignirent qui en taxi qui en arabadji Ce mode de déplacement assez peu militaire déplut à notre Commandant de Bataillon, le commandant Couvrat-des-Vergnes, qui nous rassembla immédiatement : " Je regrette pour vous, de l’active, mais pour ces néo-français, vous allez être obligés de remettre çà ".

Dès le lendemain, deux heures du matin, tout le monde en piste, sac complet sur le dos, aucun malade reconnu. Ceux qui ne pouvaient suivre étaient laissés sur le bord de la piste, sans arme bien entendu. ils rejoignaient quand ils le pouvaient pour " écoper" du tombeau et de la pelote. Après deux mois de ce régime, tout rentra dans l’ordre. Nos dissensions n’en diminuèrent pas pour autant et les bagarres métros contre oranais restèrent fréquentes. Mon camarade Thiébault, boxeur professionnel qui battit Dauthuile, eut mainte fois l’occasion d’exercer son talent soit pour son propre compte, soit en venant à ma rescousse.

 

 

Le Liban

Nos grandes randonnées militaires m’ont permis de bien connaître et d’apprécier le Liban, du Krak des Chevaliers au temple de Tyr, de Rayak, Baalbec, Tripoli, Byblos à Notre Dame du Liban, en passant par le col des cèdres. Que de sites merveilleux aux pieds de ces cèdres immenses à deux mille mètres d’altitude, dans les neiges éternelles, d’où l’on peut voir, dans les lointains, la muer, la plaine syrienne et ses Bédouins.

Le Liban assure la transition entre l’Orient et l’Occident entre l’Islam et la Chrétienté. Druzes, Grecs, Arméniens, Juifs, côtoient sans problème la communauté libanaise elle-même composée de maronites et de shiites .

Ayant souffert sous le joug des Turcs, les Libanais se tournaient vers la France et les Français dont ils appréciaient le libéralisme et le mode de vie.

Beyrouth, sa capitale, carrefour de tous les ports de la Méditerranée, cosmopolite, bruyante et bigarrée est la plus belle ville qu’il m’ait été donné de visiter. C’est la foule qui se presse dans les rues à l’heure du coucher du soleil, la ville nouvelle avec ses palaces plongeant dans la mer, le Luculus, hôtel des trente six plats, la vieille ville arabe jouant du contraste et qui abrite la majorité de la population arabe. De la place des Canons au centre ville, on accède aux souks avec les vendeurs de sirops, de fruits, d’épices où toutes les odeurs lourdes et capiteuses de l’Orient transportent dans un autre univers. Le quartier "réservé " aux affiches provocantes rassemblait des Turques, des Grecques, des Egyptiennes … Les Français étaient toujours reçus avec ferveur par ces dames.

Byblos fait revivre mille ans d’histoire. Les Phéniciens, les Grecs, les Turcs, les croisés y ont laissé leur empreinte ; Byblos (Gébal dans l’antiquité pré grecque), doit être la ville la plus ancienne du monde puisque son nom proviendrait de la Bible. Son port phénicien laisse imaginer les galères romaines. A la tombée du jour, quand le soleil s’efface dans la mer, Byblos nous étreint et, sur fond d’éternité marine nous emporte loin, très loin d’aujourd’hui.

De Beyrouth à Tripoli, Batroum, Chekka, Enphé, ponctuent le littoral de rochers et de plages. La plaine est verdoyante en toutes saisons, plantée de bananiers et de fruitiers qui entretiennent un parfum toujours présent.

Tripoli, la ville des croisés ; deux cent mille y vécurent. Je dois à la vérité de dire que les ouvrages militaires qu’ils y ont laissé paraissent bien barbares comparés aux ouvrages imbibés de spiritualité que sont les Temples et autres lieux de prières. La construction de la flotte nécessaire aux différentes croisades provoqua en outre la destruction de la forêt de cèdres qui couvrait le Liban. Il en subsiste malgré tout, âgés de plus de mille ans et mesurant plus de quinze mètres de circonférence.

Quittant le littoral, rejoignons le Mont Liban qui culmine à trois mille mètres d’altitude. De là, dans les neiges éternelles, on peut contempler la Syrie, le royaume des Bédouins, bergers aux tentes de peaux. L’accès pour nous qui gravissions ces parois à pieds, n’était guère aisé, mais le spectacle qui nous attendait au sommet, la fraîcheur revigorante de l’ombre des cèdres valaient bien tous ces efforts. Puis, nous arrivions à Baalbeck, au temple de Jupiter qui dresse désespérément ses six colonnes à l’assaut du ciel, au pied des trois blocs monolithes de dix neuf mètres de long, pesant sept cent cinquante tonnes. Erigés par qui, pourquoi, comment ? Le temple, temple de Jupiter ou temple érigé vers l’an soixante par Antonin le Pieux ? Quoi de plus passionnant que ces questions sans réponses ? Un peu plus loin, le Temple de Bacchus achevé vers 150 de notre ère, mieux conservé, nous gratifie d’une décoration magnifique.

Baalbeck est plus qu’un ensemble monumental ; c’est le point de fusion de deux cultures, deux civilisations que les Libanais ont su sauvegarder et qui confère au Liban cette douceur de vivre que seuls les ans et la tolérance peuvent prodiguer.

Les Libanais sont un peuple affable et accueillant ; l’hospitalité n’est pas un vain mot. La France était pour eux leur seconde patrie et tous du premier des officiers, au dernier des soldats, nous jouissions de leur amitié ; la galette et le verre d’arak étaient offerts de bon cœur. Comment n’avons nous pas su garder ce pays ?

Que les amateurs de tourisme rapide évitent ce pays ; le temps n’y compte pas.

Nous n’oubliions quand même pas que la France était en guerre et nous nous demandions ce que nous étions venus faire au Liban ! Nous avons appris par la suite que nous étions là pour attaquer les Russes avec l’aide des Turcs ? ? ?

La radio nous tenait au courant de ce qui se passait en France : quelques escarmouches, le théâtre aux armées, le vin chaud …

Les événements se sont précipités et ce fut la débande de 1940 que nous connaissons. C’est la rage au cœur, qu’avec plusieurs camarades, nous nous sommes portés volontaires pour le front ; sans résultats. L’armistice a été signé portant à son comble notre incompréhension de la situation. Pourquoi avoir bloqué une armée au Liban alors qu’elle aurait dû être si utile en France ?

Après le 18 juin, nous devions combattre aux côtés des Anglais et pour cela embarquer pour Chypre. Ce plan fut abandonné par nos Chefs. La politique reprenant ses droits, il nous était alors tantôt interdit de parler en faveur des Anglais, tantôt interdit de parler en faveur de Pétain. Mon camarade Garigo oubliant ces consignes a connu le camp de concentration. Enlevé la nuit par le deuxième bureau, il a été interné dans le bled et je ne devais le revoir que deux ans plus tard.

Face à cette situation, nous avons décidé à quatre copains de passer côté anglais en Palestine. Le premier à passer fut un engagé : Limenton. Je ne l’ai plus jamais revu. Lorsque le lendemain nous nous sommes rendus chez le passeur qui ne pouvait prendre qu’un seul d’entre-nous à la fois, nous avons appris qu’il avait été arrêté par la cinquième colonne.

Entre temps, nos relations avec les Britanniques s’étant sérieusement dégradées, il n’a plus été question d’envisager ce départ.

Nous attendions tous notre rapatriement qui vint enfin en mars 1941.

Il me tardait de savoir et de comprendre ce qui s’était passé, d’avoir enfin l’opinion de mon Père, de mes amis, de tous ceux avec qui j’avais rompu pendant trois ans.

 

Le Détroit de Messine

 

 

J’ai donc quitté Beyrouth, ainsi que deux à deux mille cinq cents marins, aviateurs et biffins, à bord de l’Athos II.

La pensée de revoir la France nous faisait oublier l’inconfort de la traversée. Pour éviter les odeurs nauséabondes des fonds de cales entretenues par le manque d’air et par les passagers qui supportaient mal la mer, nous sous sommes avec quelques camarades installés sur la proue en plein air. Ces dix jours de traversée ont été troublés en permanence par la présence de mines flottantes qui, visibles le jour, laissaient peser leur menace invisible la nuit.

La traversée s’effectuait donc aussi normalement que possible jusqu’à l’entrée du détroit de Messine où notre bateau stoppa. Pourquoi ? Supputations en tous genres …

Une vedette de guerre battant pavillon italien est alors venue nous accoster ; Une dizaine d’officiers vêtus d’uniformes d’un blanc immaculé, couverts de décorations en émergea. " C’est la commission d’armistice qui vient nous contrôler " nous lança l’officier de bord ; " Soyez corrects et calmes ". Il n’en fallait pas plus pour qu’un début de révolte éclate. De toutes parts surgissaient matelots, aviateurs, biffins conspuant la commission italienne.

" Nous n’avons pas signé d’armistice avec vous ",

" Vous êtes toujours nos ennemis, pire des traîtres ",

" Vous avez été trop lâches pour vous frotter à nos pompons ; nous vous attendions pourtant en Méditerranée ".

Les plus enragés d’entre-nous, les Corses, les apostrophaient dans leur langue natale et les traitaient de lâches et de valets d’Hitler.

Ce vacarme dura une bonne heure et, après maints pourparlers, deux officiers seulement montèrent à bord, ce qui leur valut nos sarcasmes et l’affront de se faire frotter la figure par les pompons des marins. Ils sont repartis assez rapidement, nous donnant le droit au passage.

Nos Officiers nous confièrent par la suite, que nous aurions bien pu être internés en Italie si la commission n’avait craint une révolte. Ils pensaient sûrement que la France était avilie et amorphe ; nous venions de leur prouver le contraire.

Enfin, au bout du voyage, Notre-Dame de la Garde, Marseille, la France.

Les rues étaient désertes, pas de voitures, pas de piétons. Seuls quelques soldats allemands en permission déambulaient en ville. C’étaient les premiers qu’il m’était donné de voir, occupant mon pays, et moi, qui avais si souvent rêvé de les tenir en ligne de mire, je me retrouvais là à les contempler, impuissant.

C’est alors que j’ai compris que tout était fini, consommé. Encore sous le choc, sans attendre d’être démobilisé, j’ai pris le train, en situation irrégulière, et j’arrivai chez moi vers deux heures du matin. Mes parents que je n’avais pu prévenir de mon arrivée en pleuraient de joie. Quant à moi, la joie du retour et des retrouvailles était assombrie par ce que j’avais pu voir de l’état de mon pays. Je questionnais avidement mon père qui me parlait du Maréchal, son ancien chef de Verdun . " Il n’a jamais trahi, il ne trahira pas ".

J’avais du mal à concevoir cette collaboration avec nos occupants et c’est mal à l’aise que je me suis couché au petit matin.

Seuls deux de mes anciens camarades de jeunesse étaient encore à La Nouvelle ; les autres étaient soit prisonniers, soit dispersés par la vie. Je me précipitai chez eux pour avoir leur sentiment, leur perception de la situation. Je les ai trouvés résignés, s’accommodant d’un armistice préférable selon eux à la continuation d’une guerre perdue d’avance. L’incurie de leurs chefs, la stupidité des slogans de l’époque, "nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts ", "la route du fer est coupée " avaient brisé en eux toute énergie et tout sentiment de révolte.

Les mois qui ont suivi ont été occupés par la recherche d’une solution qui me permettrait d’échapper au STO et de continuer le combat sous quelque forme que ce soit. La solution évidente passait par un engagement dans l’armée.

J’ai pu contacter un ancien camarade engagé dans la Garde Républicaine et, à l’issue de notre entretien j’ai décidé de prendre un engagement pour six mois. Cette unité, la seizième division, commandée par le Général Jean de Lattre de Tassigny, faisait partie de l’armée d’armistice. Elle allait me permettre d’acquérir l’instruction militaire qui me faisait défaut et par la suite de continuer la lutte.

En juin 1942, toute la division s’est retrouvée au camp du Larzac pour y effectuer des manœuvres.

De Lattre menait ses troupes d’une main de fer, sans concessions, exercices nuit et jour, attaques, contre-attaques, défilés. Je le revois, perché sur un perron, assistant au retour d’une troupe exténuée dont la formation laissait à désirer. La harangue fut brève et concise : " ce n’est pas parce que nous avons été battus qu’il faut nous avouer vaincus. Vous, les officiers et sous-officiers de le future première armée française, vous devez donner l’exemple ". Ainsi donc, tout espoir de revanche n’était pas perdu.

Hélas pour lui et pour nous, trahi par un de ses proches collaborateurs, il fut arrêté à St Pons en novembre 1942 : à la barbe de boches, il préparait l’embarquement de toute la 16ème division pour l’Afrique du nord.

L’armée d’armistice fut dissoute et la garde mise sous haute surveillance. Elle a été destinée par la suite à l’exécution d’un travail bien moins glorieux : combattre contre les maquis du Vercors !

Le tour de notre escadron étant venu et la poursuite et la destruction des camps du maquis n’étant pas à mon programme, j’ai décidé de démissionner malgré les admonestations de mon capitaine qui venait de me proposer au tableau d’avancement.

Retour donc à la vie civile avec toujours le deux même objectifs : échapper au STO et continuer la lutte. Sans réseau, sans connaissances, il m’était impossible de passer soit en Angleterre soit en Afrique du nord.

C’est dans cette parenthèse que j’ai rencontré ma future femme. Neuf mois après je devenais père d’un garçon. Dans l’intervalle, un ami me conseilla de rentrer dans la gendarmerie. C’était là, d’après lui, que je pourrai rendre le plus de services à la cause que j’entendais servir. Pour ça, je devais toujours d’après lui, postuler pour un poste dans le centre de la France.

Je me suis donc engagé dans la gendarmerie et, quelques mois plus tard j’ai été sur ma demande affecté en Dordogne dans la petite ville de Brantôme.

Quelle jolie petite ville ! verte, fleurie, baignée par les eaux calmes et limpides de la Dronne, entourée de châteaux et manoirs du XIème et XIIIème, peuplée d’une population de paysans laborieux, hospitaliers, patriotes et acquis à la résistance.

C’est aussi, ce qui ne gâte rien, un des hauts lieux de la gastronomie française et ses confits d’oie, cèpes, pâtés truffés et autres tartes y étaient déjà appréciés par Henri IV et sa suite.

C’est là que m’est apparue évidente la nécessité d’une résistance locale, implantée au cœur du pays et de la population. Autant la lutte à partir de l’Angleterre et de l’Afrique du nord étaient nécessaires, autant était vitale la présence sur le territoire national d’officiers et de sous-officiers capables d’encadrer et structurer cette armée de l’ombre qui se faisait parfois décimer par manque d’expérience militaire.

Bien sûr, certains mis par la nécessité en position de commandement se dotèrent de grades auxquels ils n’avaient pas droits mais de Lattre ne disait-il pas :  " qu’est-ce qu’un galon si celui qui le porte n’a rien dans la culotte ? ", lui qui n’hésitait pas à faire d’un caporal un chef de section et d’un capitaine un simple soldat. Le courage seul compte.

Un adjudant-chef me raconta plus tard, qu’ayant rejoint l’Afrique du nord après avoir séjourné quelques temps dans les prisons de Franco, il s’entendit poser à son arrivée la question suivante :

"  Etes-vous gaulliste ou giraudiste ? ". Je n’en ai que plus apprécié l’honneur que nous avions, nous résistants de l’intérieur, de combattre l’ennemi sans nous préoccuper de ces luttes politiques.

 

 

 

 

 

 

La Résistance et les Maquis

Marlene Dietrich - Lili Marlene (Deutsch).mp3

Depuis la guerre de cent ans, aucune armée ennemie étrangère n'avait plus foulé le sol périgourdin. Le 11 novembre 1942, les Allemands ont franchi la ligne de démarcation et se sont installés en zone libre. Pour les habitants périgourdins commençait une période noire où plus de 1 800 personnes allaient perdre la vie au combat, fusillées, arrêtées ou déportées pour ne plus jamais revenir.
Dès la reddition des armées françaises et de l'état collaborationniste de Vichy en 1940, la Résistance s'est manifestée en Dordogne. Elle a évolué dans un contexte difficile vers la formation de maquis et la lutte armée en 1943/44. Les autorités de Vichy n'ont pas attendu novembre 1942 pour agir en zone libre contre l'opposition qui se manifestait et pour participer à la répression raciale. En août 1942 la police française arrêtait 242 juifs réfugiés en Dordogne dont 166 furent déportés et parmi eux 29 enfants. Dès septembre 1942, la Gestapo, police allemande, opérait en Dordogne.
Pour combattre un ennemi beaucoup mieux armé et rompu à l'art de la guerre, les résistants adoptèrent une stratégie parfaitement adaptée à la géographie du terrain : les opérations partaient souvent de points surélevés ménageant des possibilités de repli. Les maquis étaient, dans la mesure du possible, constitués de groupes aux effectifs réduits, très mobiles et reliés par des contacts permanents. Ils tiraient profit du couvert forestier du Périgord où ils établissaient leurs camps à l'écart des lieux habités, s'assurant le soutien des populations sans lequel leur existence même eût été impossible et leurs actions le plus souvent vouées à l'échec. Leurs objectifs visaient tout ce qui pouvait servir l'ennemi : moyens de communications, sources d'énergie, productions diverses et ravitaillement, en évitant les combats de front où leur infériorité, en armement surtout, fut parfois payée au prix fort.
Durant l'année 1943 et jusqu'au 6 juin 1944, les forces occupantes ont tenté d'anéantir les maquis. Les victimes en cette période sont arrêtées, souvent sur dénonciation ou après enquête des nombreux agents français travaillant pour le compte de la milice et des Allemands. C'est dans ce contexte que se situe l'attaque du Pont-Lasveyrat à Payzac, en février 1944, où les nazis ont tué 33 jeunes maquisards sur dénonciation. Cette même logique a provoqué la semaine tragique du 26 mars au 2 avril 1944 où plus de 300 personnes ont péri. La division Brehmer et la phalange nord-africaine ont opéré dans de nombreux secteurs du département, multipliant les scènes de terreur contre les populations : pillages, incendies, fusillades... Rouffignac fut entièrement brûlée.
Après le débarquement du 6 juin 1944, les opérations se sont recentrées le long des voies de communications. En sabotant routes et voies ferrées et en attaquant les convois allemands, la résistance cherchait à gêner leurs déplacements et à freiner l'acheminement de leurs troupes vers la Normandie. Le passage d'éléments de la division blindée "Das Reich" en Dordogne fut ponctué d'accrochages en Sarladais, puis sur la RN89 du 8 au 12 juin. Cette unité, auteur des massacres de Tulle et d'Oradour a finalement utilisé le chemin de fer à partir de Périgueux. Les événements du 8 au 21 juin au Fleix, à Mussidan, à Mouleydier et à Pressignac-Vicq ont pour origine la maîtrise des voies de communication dans les vallées de l'Isle et de la Dordogne. Devant la difficulté des allemands à contrôler les axes de communications, ceux-ci ont organisé depuis fin juin à début août des expéditions de répression. Le 28 juin, 400 allemands ont tué, détruit et brûlé dans les hautes vallées de l'Isle, de l'Auvézère et en Nontronnais. Fin juillet et début août ce furent les attaques dans la Double (Lespinasse, Virolles), en Bergeracois (St-Julien de Crempse), sur la RN89. Mais les résistants maintenaient leur pression.
Après le débarquement de Provence (18 août), jugeant leur situation intenable, les Allemands ont abandonné une partie du sud de la France. Le 19 août au soir ils quittaient Périgueux et Bergerac le 20. En route vers l'Atlantique, les combats de St-Astier, Neuvic et le Pizou, du 20 au 22 août ont marqué les derniers instants de la présence allemande sur le sol périgourdin.

La Résistance était bien implantée dans le département et rares étaient les familles qui ne comptaient un des leurs dans les différents réseaux. La topographie du terrain aidant, le maquis circulait en Dordogne comme des poissons dans l’eau.

La majorité de ses membres était composée d’officiers et de sous-officiers de l’armée d’armistice ainsi que d’Alsaciens et de Lorrains fuyant l’intégration d’office dans les armées du IIIème Reich.

Dès mon arrivée je me mis immédiatement en relation avec Elie Mazeau responsable du groupe Century Valmy.

Trois organisations étaient placées sous contrôle britannique, chacune d’elles étant composée d’un grand nombre de réseaux indépendants les uns des autres.

La Century Valmy dépendait de la première appelée "réseau Buckmaster " nom de son chef qui, de Londres, la dirigeait. Sa mission principale concernait l’action, sabotages, coups de main, liquidation des pro-nazis français, parachutages, …

La seconde organisation " Alibi " s’occupait de livraisons.

La troisième " Sosier " était en charge du renseignement et de l’action.

Après m’avoir fait prêter serment, Elie Mazeau m’affecta à son groupe en qualité d’agent P.I. Notre mission en tant qu’agent P.I. consistait à fournir au maquis toutes les informations qui parvenaient entre nos mains :

Nous ne participions pas directement aux actions de représailles contre les miliciens et les collaborateurs, mais nos armes ont bien souvent servi à les envoyer dans l’autre monde.

Le secret de nos activités était strictement gardé, même auprès des collègues qui sans être pro-nazis, se montraient prudemment disciplinés.

Tout ce travail minutieusement organisé portait ses fruits, mais un jour …

 

 

Préface 

Ma Jeunesse

Le service militaire

Le maquis #1

Le maquis #2

La fin de la guerre

L'après-guerre

Epilogue